[Ciné] Lilo et Stitch

[Ciné] Lilo et Stitch

Ce mercredi 28 mai, nous avons fait une sortie ciné à Guéret pour voir Lilo et Stitch. C’était une évidence : Elena est fan, et je savais que ça lui ferait plaisir.

On adore aller au cinéma, vraiment. Mais malgré tout, c’est toujours un peu compliqué. Pourtant, à Guéret, c’est un petit cinéma, pas trop de foule. Mais même là, l’ambiance peut vite devenir envahissante.

Cette fois, on est partis bien en avance, pour ne pas revivre le stress de notre sortie “Minecraft” où on était arrivés en retard. Comme d’habitude, j’avais pris les billets en ligne : moins de queue, moins d’attente, moins de crises (oui, j’ai beaucoup de mal à sortir nos cartes CMI Prioritaire qui nous donnent le droit de passer devant tout le monde : y a souvent des réflexions désobligeantes qui me mettent mal à l’aise). Léon gère mal les transitions et les attentes imprévues, alors on anticipe au maximum.

On arrive, on a 30 minutes d’avance. Je fume ma clope au calme devant le ciné, j’observe. Je suis zen. Léon est déjà un peu tendu, nerveux, mais rien d’alarmant. Je le rassure : “On est en avance, tout va bien.”. J’ai prévu nos caques anti-bruit et une bouteille d’eau.

On entre. Et là, déjà pas mal de monde dans le hall : des gens assis, d’autres qui attendent, certains qui sortent d’une autre séance. Et c’est un tout petit hall. Très vite, on se sent en trop, trop proches, trop serrés.

A la caisse, je scanne mon QR code, montre ma carte CMI Prioritaire pour justifier mon tarif handicap. Je demande si les enfants peuvent bénéficier d’un tarif handicap. On me répond “non, c’est déjà pas cher, 5 euros”. Oui, peut-être. Mais quand t’es obligé de sortir au bout de 15 minutes, pour 17,50 euros à trois, ça pique. Et puis pourquoi seuls les adultes ont droit à ce tarif ? Les enfants en situation de handicap n’existent pas ?

Bref. On prend des pop-corn (Léon avait hésité avec des bonbons dans la voiture, il a tranché pour les pop-corn). On va vers la salle et on attend. Le hall étant trop rempli et bruyant, on s’isole au fond du couloir, devant la porte de la salle. Seuls. Calmes. Je m’assois par terre, dos au mur, dans un petit recoin. J’ai super mal au dos à rester debout à piétiner. Personne n’est gêné. Y a que nous.

Et là, une employée du cinéma arrive :
— “Vous n’avez pas le droit de vous asseoir par terre.”
— “J’ai mal au dos, j’ai besoin de m’asseoir.”
— “Vous pouvez aller dans le hall, il y a des fauteuils.”
— “Ils sont tous pris. Et puis dans le hall, il y a trop de monde, trop de bruit. On est en situation de handicap.”
— “Fallait le dire à ma collègue.”
— “C’est ce que j’ai fait.”
— “Elle me l’a pas dit. Mais ici, vous pouvez pas rester assise comme ça. Allez vous installer dans la salle.”

Pendant cette discussion, Léon se tend. Moi, je me mets à trembler. Je perds mes mots. J’ai juste envie de silence, de calme, pas de justification. Juste un espace sécure. On entre donc dans la salle. La collègue de l’entrée y était à faire le tour de la salle, elle nous invective :
— “Non non, c’est pas l’heure, vous pouvez pas encore entrer.”
— “C’est votre collègue qui nous a dit de venir.”
Elle grogne, mais nous laisse nous installer.

Léon choisit les places. Il râle : il ne voit pas bien à cause du dossier devant lui. Elena propose un réhausseur. Il refuse. Puis accepte. Puis refuse à nouveau. Il panique, s’énerve. Il tente de s’asseoir, redescend aussitôt, finit par balancer le réhausseur (je crois que ça lui faisait peur de s’assoir dessus et de glisser. Déjà, il est assez craintif des sièges escamotables). Il veut changer de place. On bouge. On s’installe au 1er rang, avec un siège d’écart de la dame et sa fille, pour qu’Elena se sente à l’aise. Mais moi, ça me va pas : j’ai horreur de ne pas être centrée dans le rang, bien au centre de l’écran.

Et puis ça commence. La spirale.

Léon répète en boucle :
“Je veux rentrer. Je suis pas bien ici. Je vais m’étouffer avec les pop-corn. J’ai rien à manger. J’aurais dû prendre des bonbons.”

Pendant qu’il panique, moi aussi je bug :
“Mais en quoi ça dérangeait que je sois assise dans un coin ? On dérangeait personne. Toujours à devoir expliquer, justifier. Faut qu’on mette une pancarte ‘autiste’ autour du cou, c’est ça ? Et puis l’inclusion, sérieusement… On ira à Montluçon la prochaine fois, là-bas on a jamais de souci.”

Elena stimme +++

Plus Léon monte en pression, plus je monte avec lui. Elena aussi commence à saturer.
Je lui propose :
— “Si tu veux, je sors avec Léon, on t’attend devant.”
— “Non, je veux pas rester seule !”

Et Léon continue :
“C’est quand que ça commence ? Marre des pubs ! Autant regarder YouTube à la maison.”
(Il a le sens des priorités, parfois…)

— “On est en avance, chacha.”
— “Bah fallait pas venir en avance…”
— “Oui mais l’autre fois on était en retard…”
— “Et moi je veux rentrer !!”

Je sens sa voix qui tremble. Il est en panique, tempête émotionnelle. Avec Elena, on se regarde. On sent la crise explosive qui pointe son nez. Et moi, je stresse. Tout ça, à cause de cette réflexion pour pas qu’on reste dans le couloir à attendre, isolé, au calme, zen et heureux.

Les pubs finissent enfin. Et là, le film démarre.

La magie opère. Enfin. Léon se calme. Il me tient la main. Au milieu du film, il ose grignoter une dizaine de pop-corn. Il remonte même un peu dans les tours : “Et à la sortie, tu me prends des bonbons hein, parce que vous vous avez des pop-corn et moi rien.” — “Oui, chacha, promis.”

À la sortie, on passe à la caisse pour acheter ses bonbons. La dame me demande si tout s’est bien passé. Je lui réponds que oui, mais que sa collègue nous avait un peu rembarrés à l’entrée de la salle. Que si on s’était mis dans le couloir, c’était justement pour éviter le bruit et la foule du hall, parce qu’on est autistes et que c’est compliqué pour nous.

On discute un peu. Je lui parle du film Différente, de sensibilisation sur l’autisme. Elle me dit d’envoyer le teaser au directeur du ciné. “Ça serait bien, pour sensibiliser, pour faire de l’inclusion.”

Ah bah oui, ça serait bien. Parce qu’on en est encore tellement loin… Et c’est franchement chiant de toujours devoir dire “Je suis autiste” et se retrouver à expliquer, se justifier…. alors qu’en prime ce n’est pas toujours possible : les habiletés sociales sont difficiles et encore plus en situation de stress….


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