
La conjugaison horizontale
Stop d’apprendre la conjugaison ! Écrivons ce que nous savons déjà.
Ah, la conjugaison… Rien que le mot suffit à réveiller des souvenirs de tableaux interminables, de listes de verbes à mémoriser “par cœur” et d’une logique qui nous semble souvent bien loin de notre quotidien.
En IEF, nous avons la chance de pouvoir secouer un peu les méthodes traditionnelles. Et si je te disais que la conjugaison n’est pas une montagne à gravir, mais un chemin à redécouvrir ? Et si je te disais que ton enfant sait déjà conjuguer ?
Oui, tu as bien lu. C’est le point de départ fondamental d’une approche plus intuitive : la conjugaison horizontale.
L’oral d’abord : ton enfant EST déjà compétent
Avant d’ouvrir le moindre Bescherelle, écoutons simplement nos enfants parler.
- “Hier, j’ai joué dans le jardin.” (Passé composé)
- “Tout à l’heure, je jouais avec mes legos.” (Imparfait)
- “Maintenant, je joue.” (Présent)
- “Demain, je jouerai !” (Futur)
La logique des temps, le choix de la bonne forme de verbe… tout est déjà là, à l’oral, et de manière fluide !
Le véritable enjeu n’est donc pas de leur apprendre à conjuguer. L’enjeu, c’est de leur apprendre à l’écrire. C’est un défi d’orthographe grammaticale, pas un problème de logique.
Et c’est là que la conjugaison horizontale entre en jeu. Elle fait le pont entre ce que l’enfant dit (l’oral) et ce qu’il doit écrire (le code).
La conjugaison horizontale, c’est quoi ? 🤔
L’idée est toute simple : au lieu d’apprendre la conjugaison “verticalement” (temps par temps : je mange, tu manges, il mange…), on l’apprend “horizontalement” (pronom par pronom).
On va donc se concentrer sur un pronom personnel, par exemple “tu”, et observer comment il se comporte à différents temps, en partant de ce qu’on dit :
- On dit : “Tu manges“
- On dit : “Tu mangeais“
- On dit : “Tu mangeras“
- On dit : “Tu finis“
- On dit : “Tu prends“
L’enfant n’apprend plus “l’imparfait du 1er groupe”. Il apprend à maîtriser l’écriture de ce qu’il dit avec “tu”. Et il va faire une découverte majeure…
Le super-pouvoir des régularités
En se concentrant sur un pronom à la fois, l’enfant ne mémorise plus des exceptions, il découvre des régularités incroyablement fiables.
L’oral nous guide, et l’écrit nous donne le “code secret” :
- Le code pour “TU” :
- Ce qu’on entend : “Tu manges”, “Tu finis”, “Tu parlais”, “Tu feras”…
- Le code écrit : Ça se termine (presque) toujours par un -S ! L’enfant n’a plus besoin de se demander si c’est “tu mange” ou “tu manges”. S’il écrit “tu”, le “s” est (quasi) automatique.
- Le code pour “ILS” / “ELLES” :
- Ce qu’on entend : “ils mangent” [ils mãnʒ]. Le son est le même que “je mange” [ʒə mãnʒ]. L’oral ne suffit pas !
- Le code écrit : La règle horizontale est claire : quand le sujet est “ils” ou “elles”, la terminaison écrite est (presque) toujours -NT. C’est la solution au problème que l’oral ne pouvait pas résoudre.
- Les codes pour “NOUS” et “VOUS” :
- Ce qu’on entend : “Nous mangeons“, “Nous finissons“, “Nous ferons“.
- Le code écrit : C’est simple, c’est toujours -ONS.
- Ce qu’on entend : “Vous mangez“, “Vous finissez“, “Vous ferez“.
- Le code écrit : C’est toujours -EZ.
Au présent
| Pronom | Code écrit | Exemples oraux |
|---|---|---|
| JE | se termine (quasi) toujours par -E ; parfois -S/–X | je mange; je finis; je prends; je vais |
| TU | se termine (quasi) toujours par -S | tu manges; tu finis; tu parlais; tu feras |
| IL / ELLE / ON | se termine (quasi) toujours par -E | il mange; elle finit; on prend; on va |
| NOUS | se termine toujours par -ONS | nous mangeons; nous finissons; nous irons |
| VOUS | se termine toujours par -EZ | vous mangez; vous finissez; vous irez |
| ILS / ELLES | se termine (quasi) toujours par -NT | ils mangent; elles partent; ils iront |
Pourquoi c’est génial ?
- On part de l’enfant : On valorise une compétence qu’il a déjà (l’oral) pour l’amener vers une compétence à acquérir (l’écrit). C’est positif et déculpabilisant.
- C’est logique : Quand on écrit une histoire, on pense “Le dragon (il)…” avant de se demander si c’est du présent ou du futur. Cette méthode suit le flux naturel de la pensée et de l’écriture.
- Moins de “par cœur”, plus de “Aha !” : L’enfant devient un détective de la langue. Il observe, il compare, il déduit des règles. L’apprentissage se fait par la découverte, pas par le gavage.
- C’est directement utile : La conjugaison n’est plus un exercice de grammaire abstrait. C’est un outil immédiat pour ses productions d’écrits.
- Favorise la production écrite : l’élève sait écrire la bonne terminaison en situation réelle, pas seulement la réciter.
- Limite la charge mnésique : au lieu de mémoriser des dizaines de verbes, on mémorise quelques modèles de terminaisons.
- Développe l’esprit d’observation : l’enfant apprend à chercher des indices plutôt qu’à subir un apprentissage par cœur.
Comment on s’y prend concrètement ?
- Partez de leurs écrits : Propose à ton enfant d’écrire un petit texte (“Raconte-moi ta journée d’hier”). Le texte sera sûrement plein de “je”. C’est l’occasion parfaite pour analyser ce pronom et découvrir ses “codes” écrits (-e, -s, -ai, -ais…).
- La chasse aux modèles : Prenez des livres que vous aimez. “Aujourd’hui, on part à la chasse ! Trouve-moi tous les verbes qui sont avec ‘nous’.” Recopiez-les. “Que remarques-tu à la fin de tous ces mots ?”
- Créez vos propres affichages : Oubliez les tableaux de verbes. Fabriquez une grande affiche pour “TU”, une pour “ILS”, une pour “NOUS”… Et notez-y vos découvertes (les terminaisons régulières) au fur et à mesure.
- Jouez !
- Les dés : Un dé “pronoms” (je, tu, il…) et un dé “temps” (hier, maintenant, demain). L’enfant lance les dés et doit d’abord dire la phrase correcte, puis l’écrire en utilisant le bon code.
- Le texte à trous : Prenez un texte simple et effacez les terminaisons des verbes. À l’enfant de les retrouver en identifiant le pronom sujet.
L’essentiel à retenir
La conjugaison horizontale, c’est un changement de perspective. On arrête de voir la conjugaison comme une liste de règles à apprendre, et on la voit comme le code écrit d’une langue que nous parlons déjà.
On ne dit plus “Apprends tes verbes”, mais “Regardons ensemble comment s’écrit ce que tu dis si bien”. Et ça, ça change tout.
Ressources complémentaires
- Le fichier de conjugaison horizontale sur Super Maitresse
- Fichiers de conjugaison horizontale de Maitresse de la forêt (j’ai choisi ces fichiers ci pour l’affichage au mur)
- Le diaporama de l’académie de Normandie pour la mise en œuvre pas à pas
- Ateliers d’inspiration Montessori… ou pas…
- Chantal Contant : linguiste et chercheuse (canada)
- François Kleczewski : professeur des écoles.
Chez nous ?
Bien, avec mes filles nous avons abordé la conjugaison via la méthode verticale… Et, au vu de leurs TND, ça a été un fiasco total. Méga surcharge cognitive = rejet et mise en échec.
Pour Elena
J’ai laissé le temps à ma (tout juste) 13 ans de “digérer” la conjugaison avant de lui proposer d’en refaire avec la méthode horizontale.
- J’ai télécharger le fichier pour affichage mural de “la maitresse de la forêt“. J’ai imprimé, plastifié et découpé. Nous les mettrons sur le mur du salon (
salle d’activités).

Et comme, malgré des heures de recherches, je ne trouvais pas ce que je voulais, j’ai crée !!
- J’ai crée un fichier format A4, que j’ai plastifié, afin qu’elle l’ait avec elle, comme un mémo. Il est aussi intégré dans son classeur outils OneNote.


- Et j’ai crée du matériel de manipulation :
- des cartes “pronoms”
- des cartes “verbes” (réguliers et irréguliers des 3 groupes + les auxiliaires)
- des cartes “terminaisons”
- des cartes “terminaisons des participes passés”





Télécharger mes fichiers
Pour Léon
Léon est non lecteur. Mais, on va abordé d’une manière orale et informelle la conjugaison. J’ai des cartes verbes (imprimés y a bien 15 ans pour mon ainée) avec pictogrammes + symbole montessori. Je vais les ressortir.
L’idée est qu’il aborde la notion de “verbe” : qu’est ce que le “verbe” (= action / fait quoi ?), du sujet (pronom et nom), du temps
Et si vous n’en avez pas, vous pouvez télécharge ces fichiers :
- Imagier verbes d’action (pedagogie.ac-strasbourg)
- Cartes photos verbes d’action + verbe écrit au dos (sur “mes ressources numériques”)
- Sur Pinterest
Étape 1 : installer l’oral et le sens
- Choisir une action familière : saut, manger, dormir, jouer… (carte picto/verbe + symbole verbe montessori)
- Faire deviner ou mimer l’action : l’adulte nomme « je saute » et mime, Léon reproduit.
- Répéter en alternant les pronoms : « tu sautes ; il/elle saute ; nous sautons »
- Insister sur la formule entière à l’oral, sans écriture, pour ancrer le sens.
Étape 2 : introduire pictogrammes et gestes
- Créer des cartes pour les pronoms (je, tu, il/elle, nous, vous, ils/elles) avec une petite illustration. (ces cartes sont super top)
- Associer un geste simple à chaque pronom (par exemple : poing sur le cœur pour « je », main vers l’autre pour « tu »).
- Ajouter un pictogramme-verbe (une image de saut, manger…) et, à côté, des petites plaquettes-aimants pour les terminaisons (-e, ‑es, ‑e, ‑ons, ‑ez, ‑ent).
- Lorsqu’on dit « je saute », Léon place la carte « je », la carte-pictogramme « saut », puis la terminaison « -e », tout en répétant la phrase.
Étape 3 : passé / présent / futur
- A partir de phrase (à partir d’une histoire lue, par exemple) : identifier le verbe et le placer dans le passé, présent ou futur
et sur le site de François Kleczewski – Conjugaison horizontale en maternelle
Et oui, c’est ma semaine “vacances” sans enfant (ils sont chez leurs papas), et moi…. je prépare des outils et du matériel pour eux !
Et vous, vous pratiquez cette approche ? Peut-être même sans le savoir ? Racontez moi votre expérience en commentaire !
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